Baptiser une rue, une artère ou un boulevard c’est lui donner une âme, c’est un acte citoyen plein de symboles et hautement historique qui engage tout un pays et tout un peuple.

    A Souk Ahras, on dit toujours que la mémoire est sélective et  ses défenseurs sont souvent solitaires. Les habitants de l’ex rue Massignon nous ont confirmé cette idée reçue en résistant depuis l’année 2000 à la nouvelle dénomination de leur adresse. En effet ils n’ont jamais accepté la décision de débaptiser leur rue. Ils n’ont jamais compris les raisons qui ont poussé les membres du Comité de toponymie de la ville à prendre une telle résolution qui la trouvent d’ailleurs saugrenue, stupide, injuste et absurde. En effet en guise de désapprobation et de refus, ces irréductibles résistants n’ont jamais libellé leurs adresses avec la nouvelle appellation. Une façon de leur part de montrer aux autorités leur mécontentement et leur contrariété. Ce n’est pas tant le nouveau nom de leur rue qui les dérange mais l’injustice commise à l’égard d’un grand Savant et humaniste qui fut Louis MASSIGNON qui de surcroît était un grand défenseur de la cause algérienne.

Pourquoi une telle décision ? Aucune explication officielle n’a été donnée par les autorités locales. Selon une source proche des décideurs municipaux, il parait que cette décision a été prise pour des raisons politiques. En effet lesdits membre de ce fameux comité veulent par ce choix « arabiser » le quartier El Amen. Ils trouvent qu’il y a trop de rues qui portent de noms non arabe ( rue Pasteur, rue Saint Augustin, rue Sainte Monique, rue Louis MASSIGION, rue Frantz Fanon, rue Victor Hugo…).

Quelle honte, offenser un homme universel, un érudit de première classe, un orientaliste encyclopédique, un grand ami du monde arabe , un courageux défenseur de la Palestine et un soutien indéfectible de la cause algérienne et cela pour la simple raison qu’il n’a pas un nom à consonance arabe ? C’est tout simplement idiot et inadmissible. Ceux qui ont débaptisé la rue qui portait son nom savent-ils que Louis MASSIGNON est celui qui a porté notre drapeau tombé de la main d’un algérien tué pendant la manifestation du 17 octobre 1961 ? Ce qui lui a valu d’ailleurs d’être tabassé par les CRS et mis en prison.

Pour rappel le nom de Louis MASSIGNON a été donné à cette rue par le premier Maire de Souk Ahras monsieur Nouri et cela en reconnaissance à l’ensemble de ses œuvres sur l’Islam et surtout pour sa contribution à l’indépendance non pas seulement de l’Algérie mais de tout le monde arabe.

Louis MASSIGNON était un grand ami de la Palestine et un inconciliable adversaire du sionisme. En 1967 avec la prise de Jérusalem les colons ont débaptisé la rue qui portait son nom pour la remplacer par Hashalom. Une manière de se venger de leur ennemi qui fut Louis MASSIGNON. Nos élus ont-ils par ignorance donné raison aux sionistes en faisant exactement comme eux ? Il n’est trop tard de se racheter, il suffit de reconnaître l’erreur et d’y remédier.

Pour éviter de telles absurdités,il faut que le comité de toponymie de SOUK AHRAS doit avoir en son sein, hors les incontournables et éternels « Moudjahidine et Enfants de Chouhada » des gens de culture, des gens sages et sensés qui ont la faculté de discernement intellectuel et de réflexion quand il s’agit de proposer des noms de personnalité à des lieux ou à des établissements publics.

Evitons de tricher avec l’histoire et être injustes avec ceux qui nous ont aidé pendant les moments difficiles, à l’instar d’Augros, Kerlan, Mamet, Massignon et tant d’autre. Car nous sortirons toujours perdants et outrecuidants. L’ingratitude est le pire des défauts. Ne soyons pas ingrats et rendons honneur aux hommes d’honneur sans distinction de race, de sexe ou de religion.