Le temps passé

 

                                                                                                                                                                            Par Kamel MELLOUK

                                                                          

                          A chacune de mes rencontres avec lui,  à chacune de mes questions sur le temps passé et ses inoubliables et impérissables souvenirs de son meilleur ami, mon père .    Ammi Messaoud Ouled Zaoui  le troisième lion de la placette ;  me répondit avec son regard mou qui jaillit de ses yeux centenaires; mon fils : Les hommes et les choses passent,  ils ne laissent qu'un souvenir; un souvenir qui, à son tour, s'effacera lentement, et finalement, il ne restera plus rien de ce qui faisait le charme de la vie d'autrefois.  La vie trépidante d'aujourd'hui, la voiture, la télévision, l’Internet, laissent à peine transpercer le souvenir de cette époque si calme et si paisible que l'on appelle encore et avec une certaine  nostalgie « Le Passé ».

                                                                                                                                                      SOUK AHRAS LE 06 Janvier 1913  "Le Square"

      Aujourd’hui hélas, le monde est pris par la tourmente, l’argent l'emporte, le transporte. Le Passé est aboli par les nouveaux arrivants. et le vertige qu'ils provoquent, annihile l'effort qui pourrait rappeler le souvenir.

Et pourtant, ce passé n'est pas loin, derrière nous, et certains comme moi se souviennent encore, d'avoir connu à Souk-Ahras, ce temps passé, qu'on pourrait croire tenir à un temps de légende, tant ce monde était magnifique.

                                                                      L'Olivier de Souk Ahras

Entre Mythe et Réalité

                                                                                                                                                                                Par Kamel MELLOUK

                                                                                                                                                                                   

                                 Du haut de sa crête et tel un phare maritime, l’olivier dit de saint Augustin n’a cessé de guider dans le noir et les abysses de l’éternité les vaisseaux des civilisations à travers les rives de Souk Ahras. Oui, tel un fidèle guetteur qui ne dort jamais, il veille jalousement sur Thagaste et ses habitants comme une lionne sur ses lionceaux. Toujours rigide et vert comme l’étendard de l’Islam, il passa sa jeunesse à l’école de l’humilité et de l’amour de notre Jésus fils de la vierge Myriam. Mûri par le temps et les chants mystiques du muezzin, il finit par ouvrir son cœur à notre prophète Mohammed sur lui bénédiction et salut. Surplombant la colline de Sidi Messaoud tel un minaret, il est désormais le témoin de l’unicité de Dieu dans toute Sa Grandeur et Sa Splendeur.

Symbole de paix et de réconciliation, de longévité et d’espérance, de victoire et de fidélité, il est l’emblème même de Souk Ahras.Il occupe et depuis des générations une place importante et unique dans le cœur et la mémoire des soukahrassiens. Il est l’âme de cette ville historique qui a tant donné à la civilisation humaine. Cette même cité qui a offert à l’humanité tout entière les meilleurs de ses enfants tels que la très catholique Santa Monica et son génie d’enfant, le grand philosophe Augustin ; l’évergète Romanianus et le sage Alypius et tant d’autres à l’instar du doué Evodius et de son ami Licentius, de Yacine et Mustapha Kateb, de Sidi Messaoud et d’Ahmed El Tifachi, de Badji Mokhtar et de Takfarinas et la liste est loin d’être exhaustive. Cet olivier mondialement connu appartenait-il vraiment à Augustin ? L’a-t-il vraiment planté de ses propres mains. Telles sont les interrogations qui aujourd’hui intriguent les soukahrassiens qui ne cessent de se poser des questions. L’histoire épaulée par la science est catégorique. Cet arbre célèbre n’a rien de commun avec Augustin. Aucun des quelque 22 000 livres écrit sur ce philosophe et aucun de ses multiples ouvrages et serments ne fait mention de cet arbre. Tous les spécialistes de l’augustinisme sont unanimes sur ce point. La science venue au secours de l’histoire le confirme. Ledit olivier est bel et bien antérieur à Augustin. En effet, en 1953 à la veille des célébrations du 1600e anniversaire du saint homme, une expertise dendrochronologique effectuée sur cet arbre par le laboratoire du Pr Douglass à Tuscan en Arizona, estimait son âge à plus de 2900 ans ! Oui notre fameux olivier date de la XXIe dynastie égyptienne et plus précisément de l’époque du roi David et son fils Salomon sur eux bénédiction et salut. L’histoire de cet arbre et du théologien s’est avérée donc une pure affabulation. Ce joli mensonge qui a voulu unifier la sagesse connue à cet olivier et l’inégalable intelligence d’Augustin est ainsi mis à nu. L’origine de cette supercherie culturelle pour ne pas dire cultuelle remonte selon Henri-Irénée Marrou, un grand spécialiste d’Augustin, à l’arrivée des premiers colons sur le sol de Souk Ahras vers la fin de la première moitié du XIXe siècle. Fiers et heureux d’avoir reconquit une région jadis chrétienne, patrie même de saint Augustin le plus célèbre et le plus connu des pères de l’Eglise, certains colons plus soucieux en réalité d’occuper des terres fertiles que de s’intéresser à la glorieuse histoire de leur Eglise ont procédé au baptême de cet olivier au nom du fils de Monique pour immortaliser et matérialiser ce génie du christianisme afin de le vénérer et de s’adonner à son culte et souvent à leurs superstitions. Nombreux sont les chrétiens qui ont désapprouvé ce baptême contraire à la religion chrétienne. Saint Augustin n’avait-il pas dit que la superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie ? Parmi ces chrétiens qui ont condamné cette attitude pas très catholique et qui sont restés fidèles au chapitre 10 de Jérémie, certains s’opposent toujours à l’arbre de Noël dans leur célébration de la naissance de Jésus. N’a-t-on pas dit dans la Bible que les coutumes des peuples ne sont que vanité ! ? N’oublions pas que par un passé proche, beaucoup de familles musulmanes se sont adonnées inconsciemment à des rites profanes à l’Islam digne de la période de la jahilia. Pendant plusieurs décennies avant et après l’indépendance, des mères allaient enterrer sous cet olivier les prépuces de leurs enfants nouvellement circoncis et priaient pour que leur progéniture ait l’intelligence d’Augustin. Pis encore, les plus riches d’entre elles portaient des offrandes alimentaires en ce lieu, pour des agapes qui trop souvent dégénèrent en orgie, une survivance manifeste de la célèbre fête païenne des Parentalia. L’Islam qui ne croit pas à l’intercession des saints et à l’incarnation rejette toute représentation de Dieu ou de tout autre personne sous toute forme quelle qu’elle soit et cela afin de nous éviter de tomber dans l’idolâtrie et l’injustice sans le savoir. Il est donc de notre devoir de dissocier et à tout jamais le nom de saint Augustin de cet olivier. Rendons justice à Dieu et à cet arbre béni dans le Coran. Veillons à ne pas être injustes avec la mémoire d’Augustin, cet homme de Dieu qui tout au long de sa vie n’a cessé de combattre le paganisme, préparant ainsi à ses descendants le terrain pour l’avènement de l’Islam. Alors que cet arbre sacré de tous les arbres et dont le rameau a été choisi par Dieu notre Seigneur pour signifier à Noé la fin du déluge et le commencement de la décrue, soit le symbole de lui-même, c’est-à-dire de l’amour et de la sagesse, du savoir et de l’éternelle félicité des élus. Ainsi nous coupons l’herbe sous le pied des intégristes et nous privons les criminels d’arguments religieux, ceux-là mêmes qui par le passé ont tenté et à maintes reprises de l’incendier. Mais Dieu a voulu qu’il naisse de ses cendres. Ainsi le décrit Hérodote : «L’olivier fut brûlé dans l’incendie du temple par les barbares, mais le lendemain de l’incendie, quand les Athéniens, chargés par le roi d’offrir un sacrifice, montèrent au sanctuaire, ils virent qu’une pousse haute d’une coudée avait jailli du tronc.» Que cet olivier témoin de notre histoire, histoire de Souk Ahras, histoire de l’Algérie, soit protégé par les autorités et pourquoi pas le classer comme monument historique. Avant nous les Américains l’ont fait avec leurs séquoias et les Japonais avec leurs Pinus aristata. Alors pourquoi pas nous ?